Relectures avec Gitta Mallasz du manuscrit
des Dialogues avec l'ange
Témoignage du Père Henri Ormaechea

Henri OrmaecheaLe Père Henri Ormaechea, prêtre franciscain, raconte comment il a rencontré Gitta Mallasz et nous fait revivre les séances hebdomadaires de relecture de la traduction française qui se sont déroulées sur deux ans. Il s'est confié à Gabriel Oyharzabal, traducteur des Dialogues avec l'ange en basque.

 Dans les années 1968-70, je me trouvais à Paris comme aumônier de lycée. Une de mes amies me passe un manuscrit de Dialogues avec l'Ange (1) en me disant : « Vous devriez rencontrer Gitta Mallasz. Vous vous entendrez sûrement bien avec elle ! ». Il s'agissait alors de la première traduction française qu’elle avait réalisée avec Hélène Boyer. Une première lecture me donne envie d'en savoir davantage. J'y trouve en effet une certaine parenté, dans le choix des exemples et des images, avec la catéchèse que je transmets.
En apprenant que j’accepte de l'aider à relire la traduction, Gitta est surprise qu'un prêtre accepte de se pencher sur ce texte. Il faut rappeler que, malgré les bonnes relations qu'elle avait eues avec le Père Klinda et le nonce apostolique Mgr. Rotta, elle a été durement affectée par la cruauté de l'abbé Kun, chef de la milice nazie locale qui portait sur sa soutane une ceinture rouge bardée de couteaux et de revolvers (2).

Serrer le texte au plus près

 Nous avions convenu d'une matinée hebdomadaire de travail. J’allais chez elle le vendredi vers 10 heures et on s’installait dans nos fauteuils. Elle se mettait à lire à haute voix. Elle disait : « là, c’est mal traduit ». Ou bien disait : « C’est pas assez ça ». Je lui faisais alors des suggestions de traduction. Elle disait : « non, ce n’est pas encore ça - ou tout à fait ça ». On tournait autour du pot puis, à la bonne suggestion, elle disait : « C’est ça ! » Et elle la notait aussitôt.
La deuxième année, on a repris tout le travail de A à Z. Moi, je me régalais. J’étais en plein dans le texte. Cela a duré deux ans. Nous avons eu le temps de faire deux relectures avec le souci d'améliorer, de corriger ou de préciser le texte en vue du futur livre. C’était son mari Laci qui tapait les entretiens à la machine à écrire.
Au cours de nos rencontres de relecture, pas de bavardages inutiles. On ne parlait que des Anges. Gitta vivait avec eux et elle mettait tout son enthousiasme pour me les faire découvrir. Lorsqu'elle évoquait le chœur des Anges et l'harmonie de leurs chants célestes, on aurait dit qu'elle les entendait encore.
Dans notre travail de traduction, il n'y avait pas de temps pour les digressions ou les comparaisons. Il fallait serrer le texte hongrois au plus près et au plus juste, plonger le plus possible dans la pensée des Anges. Reprenant la première mouture faite avec Hélène Boyer, Gitta s'arrêtait parfois en disant : « Ce n'est pas assez précis. Ce n'est pas exactement la pensée des Anges. » Elle cherchait à situer la scène, donnait des détails sur tout ce vécu exceptionnel. L'épopée prenait relief à mes yeux.
L’importance et la densité de la Parole de l’Ange étaient si fortes chez elle qu’elle voulait les transmettre à l’état pur. Elle s’interdisait d’y introduire tout commentaire humain. De ce fait, les entretiens se présentaient comme une succession de textes riches en eux-mêmes mais sans lien évident entre eux. Souvent, ils devenaient impénétrables pour un lecteur novice ignorant tout du milieu qui les avait vus naître. Je lui ai fait cette remarque à plusieurs reprises. Elle se décidera à glisser des précisions sobres mais suffisantes pour aider la compréhension du lecteur sans rien enlever à la force du message.

Comme des archéologues

Aucune divergence entre nous. Nous avancions page après page, cherchant toujours à mieux cerner le sens des textes qui se présentaient à nous, sans comparer, ni imaginer, pour ne pas trahir mais traduire avec justesse. Nous étions semblables à des archéologues qui fouillent le sol sans idées préconçues. Gitta demandait d’accueillir le texte des Anges sans glose, tel qu’il nous est livré.
De mon côté, je lui ai apporté l’éclairage du christianisme. Par exemple, Gitta n’avait pas fait le lien entre la tenue régulière des entretiens le vendredi à 15h et l’évènement crucial de la mort du Christ à cette même heure un vendredi. Nous avons également approfondi ensemble la distinction entre LUI, et Lui que les chrétiens nomment le Christ.

Chaque chemin est un tout originel. Il doit être suivi tel qu’il est tracé. Cela est important, particulièrement à notre époque de désert et de vide spirituel. L’absence d’air pur et d’amour suscite chez les chercheurs d’idéal un appel vers les sommets. Or, les chemins spirituels se multiplient aujourd’hui. Les Dialogues avec l’Ange en sont un.
Durant deux années, j’ai parcouru ce chemin en compagnie de Gitta, à la découverte du sens profond des Dialogues. Nous avons affiné le manuscrit dans une ambiance studieuse, soutenue, mais toujours joyeuse et détendue. Puis nos routes se sont séparées. Le temps a passé.

Quelques années plus tard

D’après ce que j’ai compris, Gitta et Laci sont partis aux Indes. Là-bas, le gourou leur a dit de retourner en France, en leur rappelant que leur Voie n’était pas aux Indes, mais en France. C’est alors qu’ils ont acheté une modeste maison en Dordogne. C’était une belle ferme, équilibrée, magnifique. Ils l’ont rénovée et agrandie.
Quand je suis allé leur rendre visite là bas, je me suis proposé de dire la messe chez eux. Aussitôt, Gitta a été chercher un calice, et pendant que l’on se préparait, Laci m’a dit :  « Expliquez-moi ce qu’est la messe. » Je lui ai expliqué tant bien que mal ; d’ailleurs, je me sentais maladroit.
Il me répondit :  « Je ne comprends pas. Dieu présent, tout cela m’échappe. Ce n’est pas comme cela que j’ai été éduqué mais je sais que vous êtes un homme du sacré. Je sais que vous avez une foi et que vous êtes dans la “ligne” et je vais donc m’associer le plus profondément possible à votre messe et je serai ainsi en communion avec vous ». Cela pour vous dire que dans des situations imprévues, il y a le Seigneur et que c’est Lui qui capte tout. La personne amie qui assistait aussi à la messe et qui chantait des chants d’autrefois a communié. Laci et Gitta, l’un à côté de l’autre, qui n’avaient pas communié, à la fin de la messe, se sont lentement, lentement, tournés l’un vers l’autre, et se sont longuement embrassés. Un vrai baiser de paix et une messe merveilleuse !
 
La veille, Laci s’était mis une saleté, une poussière, dans l’œil qui le faisait pleurer continuellement. Gitta l’a amené chez le médecin qui était absent, puis à la  pharmacie, mais comme c’était un samedi, la pharmacie était fermée. Laci disait : « Laissez faire la nature, elle va arranger tout cela ; elle fait bien les choses. Cela va revenir tout seul ! Laissez faire ! ». On est rentré et je suis resté avec Laci. C’est là, dans son hamac, que j’ai passé du temps avec lui. Il est allé s’étendre, et trois quarts d’heure après, il est revenu tout heureux :  « Vous voyez, la nature a fait son travail ; je vous le disais bien! ». Pour moi, cela fût une expérience très riche.

Plusieurs années plus tard, à la réception au cloître des Bernardins à Paris où Gitta a été reconnue « Juste parmi les nations », j’ai rencontré avec joie l’assistance fournie de ses amis. J’ai constaté avec ravissement que le chemin ouvert par les Anges s’est développé. Au lieu d’errer dans les impasses et les chemins de traverse, de plus en plus d’hommes recherchent l’accès au sommet, à la rencontre du Créateur, le Maître suprême. La Parole des Messagers nous guide vers cette zone de Lumière et de Beauté, de Liberté et de Plénitude. En harmonie avec le chœur des Anges et en communion avec Lui, nous prendrons place dans ce grand corps vivant de la Création, unifié par l’Esprit d’Amour et symbolisé par le chandelier à sept branches.
Cette ascension est possible. Dans le dernier courrier reçu de Gitta, elle écrivait : « Jésus est le premier homme qui a réalisé cette Union de son vivant.  »

(1) C’est par commodité que le Père Henri parle des Dialogues avec l’Ange. Au début, Gitta avait choisi comme titre Les quatre Messagers, que l’on retrouve en sous-titre dans la première édition datée de 1976.
   
(2) Gitta relate également dans Les dialogues ou l’enfant né sans parents (pages 62-63) qu’elle s’était forgée dans son enfance, pendant la première guerre mondiale, une image négative de ce Dieu à qui on demandait de bénir les canons.

Henri Ormaechea
(Propos recueillis par Gabriel Oyharzabal. Crédit photo : Seven Angels Films)

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